par Moïse Fournier
De l’avis des états-majors en août 1914, la guerre ne devait durer que quelques semaines. De part et d’autre de la frontière franco-allemande et par-delà la Manche, chaque belligérant pense rentrer victorieux à Noël. Transformant les opérations de mouvement du début de la guerre en un conflit figé dans des dizaines de kilomètres de tranchées, l’enlisement des combats annonce une guerre aussi longue que meurtrière où succèdent des moments de haute intensité de combat à des périodes d’attente interminable. Les soldats doivent ainsi lutter contre deux ennemis intérieurs : la peur et l’ennui.
Si le divertissement des troupes n’est pas la priorité des états belligérants au début de la guerre, au fil des mois la nécessité d’aider les soldats à supporter l’horreur des combats, la mort et le désœuvrement des périodes de repos va petit à petit s’imposer. La lutte contre la peur, la tristesse et la routine prendra alors plusieurs formes plus ou moins officielles et surtout très différentes que l’on soit proche du front ou en deuxième ligne, que l’on soit issu de tel ou tel milieu social ou de telle ou telle région, ou bien que l’on soit blessé ou prisonnier.
Théâtre, musique, sport, pratique des arts sous toutes leurs formes, de l’artisanat ou de l’écriture, ces différents moyens de détente et de loisirs créerons ainsi aussi une forme de sociabilité entre les soldats, laquelle favorisera le maintien de leur moral. Face à une surexposition des émotions les plus extrêmes, les loisirs permettront également une forme de reconstruction psychique des hommes et une manière de ne pas sombrer dans la neurasthénie. Les soldats réussiront aussi « à tenir » grâce à des petits moments réconfortants du quotidien et favorables à la création d’un lien social salvateur. Partager un repas, boire un petit coup ou fumer une cigarette avec les camarades seront autant d’instants qui prendront quasiment des atours cérémoniaux.